Nouvel article

Encore un article sur la politique belge au moment de l’indépendance, paru dans le journal « De Morgen »
La version néerlandaise : www.demorgen.be/nieuws/als-de-vader-zwart-was-kon-abortus-wel-in-belgie-toen-het-nog-illegaal-was~be63b287/
Et voici une traduction mode google :
Si le père était noir, l’avortement était possible en Belgique, alors qu’il était encore illégal.
30 ans avant que la Belgique n’autorise l’avortement, le gouvernement et les procureurs ont autorisé une exception. Les femmes belges rentrées au pays après l’indépendance congolaise ont pu avorter en toute impunité car « l’arrivée d’un mulet était pire qu’une restriction ». C’est ce que montrent des documents d’archives récemment découverts.
BRUNO STRUYS, 6 juillet 2022 Pour la première fois, des documents montrent comment, en juillet 1960, l’État belge, dans le plus grand secret, a rendu l’avortement possible pour les femmes revenant de l’ancienne colonie et enceintes d’un métis, un enfant de père africain. Pourtant, toute interruption de grossesse était punissable en Belgique jusqu’en 1990.
Les ministres chrétiens-démocrates belges ont conclu un accord avec les procureurs à ce sujet, mais ont souligné que toute communication à ce sujet devait être verbale « compte tenu de la nature délicate de l’affaire ». La seule raison pour laquelle elle refait surface aujourd’hui est la découverte, par l’historien belge Frank Gerits (Université d’Utrecht), de deux documents dans les archives du Premier ministre chrétien-démocrate de l’époque, Gaston Eyskens.
« Plus encore que l’ensemble de l’opération, c’est surtout la justification raciste qui frappe l’imagination », déclare Gerits, qui a effectué les recherches pour un livre qu’il publiera l’année prochaine. « L’objectif des ministres et des magistrats concernés n’est pas tant d’aider les femmes traumatisées, mais d’empêcher la naissance de métis. »
Le premier document est une lettre du ministre de la Santé et de la Famille de l’époque au Premier ministre Gaston Eyskens. La lettre a été rédigée après consultation du ministre de la Justice et des procureurs généraux, qui ont promis de ne pas poursuivre les femmes si elles revenaient après l’indépendance du Congo, le 30 juin 1960, et se faisaient traiter pour avortement. Pour cela, tous les magistrats ont dû être informés et quatre universités ont dû créer des centres spéciaux pour ces avortements. « Tout cela s’est fait par le bouche à oreille », a-t-il dit.
Le gouvernement a également associé l’Église catholique à ce plan. Le cardinal Suenens a annoncé que l’avortement était toujours illégal, mais que le ministre des Colonies Raymond Scheyven avait consulté un certain nombre de prêtres qui estimaient qu’une intervention médicale était justifiée.
Cette note a été suivie d’un mémo du bureau du Premier ministre Eyskens contenant des instructions « en rapport avec les viols et les violences au Congo ». Une série documentaire sur les métis sur Canvas raconte l’histoire d’enfants de mères africaines et de pères belges. La Belgique a arraché les « enfants du péché » à leurs familles et les a placés dans des orphelinats et des familles adoptives, souvent dans de mauvaises conditions.
En revanche, dans le chaos qui a entouré l’indépendance, les journaux belges ont principalement publié des articles sur la violence à l’encontre des Belges et sur les viols collectifs de femmes belges par des hommes congolais, burundais ou rwandais. La note du cabinet Eyskens décrit « que la Belgique, c’est-à-dire en premier lieu le gouvernement, souhaite qu’aucune naissance ne résulte des actes de violence commis au Congo ».
La base morale de cette position, une « position catholique », était que « la perturbation de l’intégrité et de l’ordre de la famille par l’arrivée d’un mulâtre (mot péjoratif pour métis, BST) était pire que le curtage (avortement ou meurtre) ».
PROJET DE CIVILISATION BELGE Sur la base de ces deux documents, il est impossible de déterminer si l’opération d’avortement a effectivement eu lieu. Les Métis et les historiens demandent depuis longtemps que toutes les archives soient rendues publiques. Au moins, les documents disent quelque chose sur la façon dont notre pays voyait Metissen.
« L’avortement était répréhensible mais moralement bon s’il pouvait empêcher la naissance d’un métis », dit Gerits. On connaît le mot d’esprit de l’ancien Premier ministre Joseph Pholien (PSC-CVP), également appelé le père de la doctrine coloniale belge : « Dieu a créé les blancs et les noirs, le diable fait les métis. » En 2019, le premier ministre de l’époque, Charles Michel (MR), a présenté des excuses au nom de la Belgique aux métis.
Cinq métis poursuivent entre-temps l’État belge pour crimes contre l’humanité. Ce week-end, ils ont annoncé qu’ils faisaient appel, car ils ont perdu leur procès en première instance. L’un de leurs avocats a été entendu lundi par la Commission parlementaire chargée d’enquêter sur le passé colonial de la Belgique. Pour l’historien Frank Gerits, la politique belge envers les métis, et donc l’opération d’avortement sous Gaston Eyskens, est révélatrice de ce passé.
« Le fait que les ministres catholiques étaient non seulement prêts à être indulgents pour un péché supposé grave, mais qu’ils ont également facilité une action illégale, montre la nature explicitement raciste du projet officiel de civilisation belge », déclare Gerits.
NOUVELLE INFORMATION Le règlement du gouvernement belge et ses arguments sont des informations nouvelles, également pour six experts qui ont consulté De Morgen et Gerits. « J’étais au courant des rumeurs concernant les avortements », déclare l’anthropologue Bambi Ceuppens (AfricaMuseum).
Le nombre de femmes belges violées à l’époque n’a jamais été précisé. « Un nombre infime des +/- 10 000 femmes qui sont revenues du Congo », a écrit à Eyskens le ministre de la Santé publique et de la Famille de l’époque. Une commission d’enquête a suivi à l’époque, mais notre pays n’a jamais publié ce rapport de synthèse. Selon l’historien Rudi Van Doorslaer (UGent), la Belgique a refusé de le faire parce que cela aurait montré que la violence ne venait pas de la population ou du gouvernement Lumumba, mais était causée par un ressentiment plus profond des soldats noirs dirigé spécifiquement contre les officiers belges et leurs partenaires.
« Il est clair que le gouvernement belge pouvait difficilement aller à l’étranger avec un tel rapport pour expliquer son intervention militaire », écrit Van Doorslaer. Les rapports de violence sexuelle ont été un argument rhétorique pendant le conflit d’indépendance et ses suites pour légitimer la répression et l’intervention.
L’ancien journaliste de la VRT Peter Verlinden, qui a également pu lire une grande partie du rapport au début des années 2000 et a réalisé des dizaines d’interviews de coloniaux, estime néanmoins qu’un millier de femmes belges ont été violées. Lui aussi ne connaissait pas les documents provenant des archives d’Eyskens, mais il voit des raisons de penser que les plans du gouvernement sont allés de l’avant. « Le rapport d’enquête que j’ai pu consulter indique que les femmes renvoyées ont été examinées médicalement et traitées si nécessaire. »