Carte blanche

Déjà, en 2006, notre secrétaire écrivait ceci à destination de ses enfants :
Palette métisse

On m’a donné carte blanche…
Et pourquoi pas une carte noire ?
De toute façon, qu’elle soit toute blanche ou toute noire, une carte n’a aucun intérêt tant qu’elle n’a pas été colorée de mots et peinte de pensées.
Tant qu’elle n’a pas été caressée et grisée de mon encre noire, ma page blanche n’a strictement rien à vous dire.

Mais avant tout, je dois me présenter. Je m’appelle Jean-Luc et je suis un blanc-blanc-belge. Mon père était d’origine ardennaise et ma mère originaire de Blandain, près de Tournai. Moi je suis né à Bruxelles, capitale bilingue de l’Europe et de la Belgique.
La Belgique, vous savez, ce petit pays qui a été colonisé et exploité par les Romains, les Francs, les Germains, les Espagnols, les Hollandais et j’en passe et des pires.
Ce petit pays dont l’économie dépend entièrement de l’industrie automobile allemande, des diamantaires juifs, de la main-d’œuvre italienne puis polonaise, de multinationales étrangères (une seule grosse entreprise est belge) et dont la plus grande industrie est maintenant aux mains des Indiens.
Un pays dont la plus grande fierté dans le monde est le chocolat noir Côte d’Or et le Blanc-Bleu-Belge, ce fameux bovidé fait de 2 couleurs et dont nous vantons tous le superbe arrière-train venu d’ailleurs et nommé le « cul de poulain ». Un pays où on parle le Français, vous savez, cette langue indo-européenne faite de mots latins, grecs, celtes, germaniques, arabes, slaves, … Et qui s’écrit avec des lettres d’origine grecque et des chiffres arabes. Un pays où les extrémistes qui crient « les étrangers dehors » s’alignent derrière un drapeau qui représente un lion, un de ces animaux étrangers qui viennent pourtant d’Afrique noire. Un pays trilingue multiethnique qui se dit catholique, cette religion dont le seigneur admiré est un juif non circoncis né en Palestine …
Bref, je suis un métisse venu d’un pays fait de milliers de métissages et dont L’Afrique n’a pas à envier l’histoire…

Mais la Belgique c’est aussi un pays qui a colonisé et exploité un continent 80 fois plus grand que lui et qui continuera à le faire tant que les Africains pratiqueront la politique de la main tendue, du pantalon baissé et de la fuite vers des pays aux CPAS chimériques au lieu de se tourner vers ses propres richesses humaines et culturelles et de croire en son propre avenir à bâtir loin d’un occident miroir aux alouettes et d’un capitalisme creuseur de fossés.

Mais je m’éloigne du sujet, coup de gueule oblige …

On m’a donné carte blanche pour vous parler métissage.
Moi qui suis un producteur de métisses (mon épouse est quarteronne rwando-grecque et nous avons 4 enfants), je tenais à vous dire, à vous mes enfants présents et à venir et à vous les enfants du monde, que, contrairement à ce qu’en pensent certains, nous sommes tous des métisses. Des métis issus du grand mixer mondial.
Vous êtes des hommes et des femmes comme tous les autres avec un vécu et des chromosomes qui font de vous une personne à part entière impossible à classer dans la moindre catégorie si ce n’est celle de terrien citoyen du monde.
En fait la seule chose qui vous différencie c’est que vous portez les couleurs de vos origines dans votre peau. Mais quelles couleurs ? Des couleurs que tous vous envient et que vous devez porter dignement.
Ce sont des couleurs fortes qui prouvent au monde que la notion de race n’existe pas, qui montre à tous qu’il existe des traits-d ‘union forts entre les civilisations et qui ferme la gueule à tous les extrémistes.
Vous êtes issus d’un mariage heureux ? Vous êtes issus d’une rencontre triste ? Peu importe ! Nous avons tous notre histoire.
Vous êtes issus de la rencontre de deux mondes, quelle chance vous avez ! Ne passez pas à côté.
Allez vers vos racines avec respect, apprenez la langue de vos pères, apprenez la langue de vos mères, imprégnez-vous de leurs coutumes, savourez leurs cultures, appropriez-vous leurs valeurs. Nourrissez votre cerveau et votre cœur de ces richesses et faites-en profiter votre entourage.
Dites-vous bien que le jour où tous les hommes et femmes seront métisses et afficheront leurs métissages, il n’y aura plus de racisme et nous vivrons dans un monde nettement plus harmonieux quitte à ce que les usines de bancs solaires et d’hydroquinone ferment.

En fait les métisses, comme tous les jeunes du monde entier, passent par une délicate phase d’identification, heureusement généralement passagère, durant laquelle ils veulent faire partie du groupe sans se faire remarquer … Tous les métisses souffrent un jour de leur différence comme en soufre le petit gros, la grande rousse ou le point noir à lunettes … Comme tous les enfants, ils se rendent compte un jour que le monde est cruel, difficile et intolérant. Tous les métisses voudraient un jour être blancs parmi les blancs ou noirs parmi les noirs mais au regard des autres, vous n’êtes que des blancs en Afrique et des noirs en Europe.
Devant ces regards hostiles, peureux de toutes les différences, vous n’avez qu’une seule arme : la fierté.
Si ce n’est pas vous qui montrez l’exemple de l’ouverture du monde, qui le fera ? Si vous ne montrez pas un attachement à toutes les cultures dont vous êtes originaires, qui le fera ? Vous êtes des exemples, soyez ouverts, tolérants et bien dans cette peau qui vaut de l’or.

Vous avez en main une palette de couleurs, une palette de richesses, une palette de cultures. Avec un peu de la rigueur du blanc, de la profondeur du noir, du sourire du jaune, de la force du rouge, de l’appétit du vert, de l’étendue du bleu …ou toute autre valeur. Créer votre chef d’œuvre et éclairez-en le monde sans jamais oublier d’y ajouter l’éclat de l’humour et une touche d’autodérision.
Soyez les artisans de cette palette métisse qui fera la planète arc-en-ciel de demain.

Jean-Luc Pening
6 décembre 2006